Le "sport"
Personne ne
contestera que l’exercice physique est bénéfique pour la santé. Pour autant,
bien sûr, qu’il soit pratiqué avec sagesse : la Faculté pointe du doigt
les risques d’excès en ce domaine. Mais l’homme ne pratique pas seulement le
sport par hygiène : c’est également un moyen d’affirmer sa supériorité.
Cela commence par le gosse qui défie un ami : « J’arriverai au but
avant toi ». Mais cela va bien plus loin qu’une course entre enfants et
alors ce n’est plus « un jeu et toute cette sorte de choses », comme
le faisait dire le regretté Gosciny à l’un de ses personnages dans
« Astérix chez les Bretons », car c’est ici qu’interviennent les
spectateurs.
Ceux-ci
éprouvent de la joie ou de la déception selon que telle ou telle équipe
remporte la victoire. Cet enthousiasme est parfois tellement intense qu’ils
éprouvent le besoin de parcourir la ville en chantant et en klaxonnant. Je me
suis souvent interrogé sur les motivations qui poussent des gens à troubler le
sommeil de ceux qui doivent aller travailler le lendemain, tout cela parce que
des sportifs payés par un club situé dans un pays qu’eux-mêmes ou leurs parents
ont quitté depuis des années ont gagné une partie. Je suppose que, pour les
psychologues, ce sujet est d’une banalité déconcertante. Je relèverai deux
aspects : le côté irrationnel et l’intensité.
Un matin,
après une défaite de l’équipe de France dans un match international, je reçois un courriel publié dans le forum
d’une association de Français et de francophones émigrés, en
majuscules : « ON A PERDU ». J’ai bondi sur mon clavier et
j’ai répondu : « Non, il y a là onze joueurs payés par un club
français qui ont perdu, aucun autre Français n’a joué, aucun autre Français n’a
perdu ».
Néanmoins,
je vois que ces joueurs sont mieux payés que des enseignants qui consacrent
leur existence à aider des jeunes à réussir leur carrière, ou que des
chirurgiens qui sauvent des vies.
En tout
cas, les politiciens et les dictateurs l’ont bien compris : le sport est
un instrument de manipulation extraordinaire. Des ministres reçoivent les
sportifs comme des héros, eux-mêmes se sentent obligés de se montrer sur les
stades.
Hitler
l’avait bien compris : les compétitions sportives peuvent constituer pour
un régime une magnifique vitrine, et les jeux de Berlin ont permis aux Nazis de
démontrer la grandeur de l’Allemagne qui accumula les médailles.
Dans la
suite, les anciens pays de l’Est ont investi massivement dans le sport de
spectacle, des athlètes transformés en machines à récolter les médailles
étaient comblés d’honneurs, avec pour mission de démontrer à leurs
compatriotes : « Voyez, nous sommes une grande nation, nous sommes
les plus forts, nous sommes les meilleurs ». Que l’on ne vienne pas me
dire que ces sportifs étaient des amateurs : j’ai moi-même pratiqué la
compétition, et je me suis vite rendu compte que, pour atteindre des résultats
de niveau international, il faut plus que quelques heures d’entraînement pas
jour.
L’histoire
se répète-t-elle ? Les jeux olympiques sont en tout cas pour la Chine
l’occasion de démontrer de son efficacité et de sa grandeur. Sans changer,
moyennant quelques aménagements provisoires et cosmétiques. Certains ont
prétendu que cela la forcerait à adopter une politique plus écologique, à
s’aligner sur les autres États à structure plus ou moins démocratique et à
s’ouvrir aux valeurs de l’humanisme moderne. L’avenir nous dira s’ils se sont
trompés.